« Toute maladie est le reflet d’une souffrance intime à identifier »

Et si nos médecins, comme nous-mêmes, pouvaient changer de regard sur la santé ? Et si la maladie pouvait être porteuse de sens, tant pour le patient que pour le thérapeute ? Telle est l’ambition de la médecine des actes, fondée, exercée et enseignée par un généraliste singulier, Jean-Patrick Chauvin*.


Principes de Santé : Médecin généraliste, vous faites partie de ceux qui affirment : « La maladie ne vient jamais par hasard ». Une approche qui peut sembler un peu déroutante…
Dr Jean Patrick Chauvin : Toute maladie est le reflet d’une souffrance intime à identifier, et pas seulement d’un organe malade. Mais c’est un discours qui ne doit pas être culpabilisant. De la grippe au cancer, de l’asthme à la fracture, la pathologie est toujours porteuse d’informations et de sens qui permettent d’évoluer. Mais le constater ne suffit pas. Il faut poser des actes pour changer.
 
P. de S. Quel public est concerné par la médecine des actes ?
Dr J.-P. C. : Patients et médecins, car l’un doit aller avec l’autre, et vice versa. La santé ne doit pas être un dialogue de sourds. Le patient ne peut se contenter d’aller déposer sa voiture chez un garagiste en réclamant qu’on répare seulement le véhicule. Il faut également qu’il accepte de revoir quelque chose dans sa façon de conduire. De son côté, un médecin ne peut être pertinent s’il ne se connaît pas lui-même. Or, en faculté, quand parle-t-on aux futurs médecins de la difficulté à se confronter sans cesse aux malades ?
 
P. de S. : Quel a été votre parcours ?
Dr J.-P. C. : J’ai exercé, comme nombre de mes confrères, en alignant les consultations express. Mais j’ai vite été frustré de voir revenir des patients que je 
n’arrivais pas à soigner. Je suis allé vers une autre approche, l’homéopathie uniciste hahnemannienne, qui m’a enseigné la notion fondamentale de terrain, propre à chacun, et une certaine rigueur dans la recherche. Mais cela ne suffisait pas. J’ai participé aussi à un groupe Balint, du nom de ce psychiatre anglais qui a été l’un des premiers à prendre en compte la relation médecin/malade et les jeux de projections qui peuvent entraver le juste service que le praticien cherche à rendre à son patient. Puis j’ai entrepris une psychanalyse jungienne, en quête d’une meilleure connaissance de moi-même, afin de mieux entendre l’autre dans sa propre intimité. Enfin, et ce fut déterminant, j’ai rencontré un homme, Bernard Montaud, fondateur de la psychologie nucléaire. J’ai alors découvert la biologie de la conscience.
 
 
P. de S. : La médecine des actes découle-t-elle de la psychologie nucléaire ?
Dr J.-P. C. Oui, car elle partage ses découvertes que je résumerais en citant quelques données : chaque être humain a un scénario comportemental qui le programme de façon subconsciente dans une répétition du passé, et qui détermine un programme de douleurs croissantes au fond de son être ; nous avons une double nature : inférieure, répétitive subconsciemment, et supérieure, créative consciemment ; il y a une dimension évolutive de l’être humain qui traverse sept classes de maturité de la conscience ; in fine, c’est lors du passage de notre nature inférieure à notre âge du corps, du fait de la spécificité de chaque fonction biologique, que l’on peut accéder à la conscience. La médecine des actes s’appuie sur cela pour identifier la souffrance intime que la maladie reflète et la maturité intérieure qu’il y a à conquérir.
 
P. de S. : Que suppose l’adjectif « nucléaire » ?
Dr J.-P. C. :  On considère qu’au centre de l’homme existe un noyau cyclique de vie qui gère les comportements. Lesquels peuvent être comme des actes de micro-fission ou de micro-fusion nucléaire autour du noyau central. Il s’agira de passer d’un cycle dit « traumatique » à un cycle « transformé ». Le premier concerne en gros « ce que je me contente d’être ». Le second, c’est « ce que je peux être »… Avec la médecine des actes, le patient est convié à mieux observer une répétition d’échecs ou de réussites qui éclaireront autrement ce que son corps essaie d’exprimer.
 
P. de S. : Des exemples ?
Dr J.-P. C. : Ils sont multiples, chaque histoire est personnelle. Je peux citer le cas des histoires d’interactions à soigner, comme cette maman qui vient pour sa petite fille, née avec une maladie des voies biliaires internes, ayant subi une greffe du foie et divers traitements immunosuppresseurs. Elle ne sait plus quoi faire car il y a sans cesse des complications : pancréatite, sinusite, toux… Finalement, on constatera qu’elle veut trop en faire et qu’elle ne pourrait se pardonner si quelque chose arrivait à sa fille. On tra­vaillera d’autres actes pour qu’elle puisse être présente, sans ce poids d’une peur de mal faire qui appartient à son passé, à son cycle traumatique en voie de transformation.
 
P. de S. : Vous tenez à vous différencier clairement du décodage biologique ?
Dr J.-P. C. : Je ne suis en rien les thèses du décodage biologique. Je tente de construire une médecine de l’homme conscient et responsable. Notre approche ne fait pas de systématisme. Pour nous, tel organe touché n’égale pas forcément telle situation psychologique. Cela peut donner quelques indications générales, mais il n’y a pas de code absolu. Il faut entrer dans une souffrance personnelle subtile, et proposer des actes en adéquation, en parallèle de remèdes ou traitements divers. J’ai eu par exemple le cas de deux religieuses, chacune atteinte d’un cancer du sein. Or, en fonction de leur vécu, elles ont abouti à des prises de conscience différentes, et donc à des actes différents. L’une était touchée autour du sein érotique, l’autre autour du sein nourricier. La première a dû travailler pour transcender une sexualité manquante. L’autre a travaillé sur une meilleure intégration de ce qu’elle avait à transmettre au catéchisme, sur ce qui la touchait intimement dans les textes sacrés.
 
 
P. de S. : Quel est votre regard sur les facteurs réputés à risque comme le stress, les pollutions diverses de pesticides ou de métaux lourds, entre autres ?
Dr J.-P. C. : Je ne nie pas ces facteurs. Mais, là encore, j’insiste sur la notion de « terrain de souffrance » propre à chacun, et sur le fait que toute maladie est une opportunité de nous améliorer. Si quelqu’un est plus sensible aux agressions extérieures, qu’est ce que cela peut vouloir dire dans son histoire ? Mais je reste médecin et m’appuie sur toutes les connaissances médicales pour améliorer un état.
 
P. de S. : En définitive, comment ne pas associer votre pratique à de la psychologie ou du coaching ?
Dr J.-P. C. : Parce que je reste médecin. Toutefois, je dirais que je pratique une médecine humaniste qui prend le temps pour des consultations longues afin de débusquer un sens et de poser des actes. Lucien Israël (médecin psychanalyste lacanien, [NDLR]) disait que la tâche du médecin n’est pas seulement « d’assurer la survie, mais de préserver la vie, le sens de la vie. Toute perte de sens occasionnée au malade par l’incompréhension du médecin est une faute professionnelle aussi grave qu’une erreur thérapeutique ». Je crois aussi à ce que m’a enseigné Bernard Montaud, qui a lui-même appris auprès de Gitta Mallasz, auteur des « Dialogues avec l’ange ». À savoir que l’on peut passer de « l’imperfection malheureuse » à « l’imperfection heureuse ». Et si la maladie faisait partie de cette grande pédagogie de la vie ?
 
P. de S. : Comment faire entendre à des généralistes, qui se plaignent de manquer de temps avec leur patient, qu’ils devraient en faire plus ?
Dr J.-P. C.: Eux-mêmes sont en quête de sens ! Quand j’ai commen­cé les formations, les médecins avaient la cinquantaine. Aujourd’hui y participent de plus en plus de jeunes sortis de la fac. Nombreux sont ceux qui ne se contentent plus d’étudier seulement la biologie ou la chirurgie, qui ne veulent pas rejoindre la cohorte de plus en plus grande de médecins atteints d’alcoolisme ou de burn-out. Tous estiment que nous sommes sûrement devant le prochain vrai progrès de la médecine moderne. Elle a offert des outils diagnostiques et thérapeutiques très pertinents, mais elle doit aujourd’hui avancer. Considérer que la « conscience », c’est-à-dire une certaine connaissance et acceptation de soi, doit être un élément majeur d’une gestion globale de sa santé. Toutes les maladies méritent un autre regard. Prenez la maladie d’Alzheimer, en passe de devenir un vrai fléau. Certaines études disent que la prise d’antidépresseurs peut la favoriser, d’autres que c’est le dépôt de protéines anormales qui crée un encrassage des synapses et des neurones. Mais qu’est-ce qui encrasse vraiment le cerveau, si n’est les mauvaises pensées que nous avons en permanence vis-à-vis de nous-mêmes ? Pour être véritablement en bonne santé, physique et psychique, il faut aussi que la médecine s’occupe de l’esprit. Certains diraient de l’âme…
 
 
En savoir plus
Jean-Patrick Chauvin est l’auteur de : « Quand la maladie nous enseigne », (éd. Josette Lyon/Trédaniel).
Il est co-auteur de deux ouvrages :
« La psychologie nucléaire, un accompagnement du vivant », avec Bernard Montaud (éd. Editas) et
« Psychologie du cancer » (avec divers auteurs, éd. Odile Jacob).
Pour plus de renseignements sur la médecine des actes : www.medact.fr
 
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* Le Dr Jean-Patrick Chauvin créateur de la médecine des actes, est diplômé de la faculté de médecine de Paris en 1977. Insatisfait de son exercice, il suit diverses formations (groupe Balint, homéopathie Hahnemannienne…). En parallèle, il mène une recherche personnelle qui lui fait rencontrer notamment Bernard Montaud, père de la psychologie nucléaire. Il propose une formation et une supervision régulière à des médecins et des psychologues. Outre un aspect théorique (biologie de la vie intérieure, physiologie et psyché, physiopathologie, homéostasie), il enseigne l’auto-médecine des actes aux praticiens appelés à écouter autrement leur propre corps, leurs propres douleurs, lesquelles cachent leurs propres souffrances intimes.

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