Les chiffres sont tombés. Entre 1980 et 2000, le nombre de nouveaux cas annuels de cancer chez l’adulte en France est passé de 170.000 à 278.000, soit une augmentation de 63 % ! En première ligne les hommes, dont le taux de décès par cancer est supérieur de 50 % à celui de la Suède et de 20 % à celui du Royaume-Uni. Des chiffres qui, selon l’étude de l’Inserm, s’expliquent par le boum des cancers du poumon (30 % de l’ensemble de la mortalité par cancer), des voies aéro-digestives supérieures et du foie. Des localisations bien spécifiques à la France puisque ces cancers sont quasi insignifiants en Suède, en Finlande et en Grèce. Pourquoi ?
- Première explication avancée : le dépistage est plus efficace en France que chez nos voisins. D’où un plus grand nombre de cancers détectés.
Pour Eric Jougla (Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès, Inserm, Le Vésinet), « un dépistage bien fait expliquerait la multiplication des cas de cancers et en même temps, une diminution de la mortalité. Si les taux de cancers sont importants, on gagne du temps de vie ». Si le dépistage est – peut-être – réalisé à une plus grande échelle en France que chez nos voisins, il faut toutefois rappeler qu’un cancer détecté au dépistage est déjà en phase avancée et qu’il aurait, de toutes façons, obligé le patient à consulter sous peu (le faisant, ainsi, entrer dans les statistiques). Il est, par ailleurs, parfois totalement inutile. « La plupart du temps, les gens sont dépistés à un âge avancé et il est inutile de leur faire suivre un traitement, ce cancer évoluant lentement. Il n’y a, à ce jour, aucun argument scientifique pour mettre les personnes âgées sous traitement dans ce type de cancer, reconnaît Guy Launoy (épidémiologie des cancers, Inserm, Caen) ». Mais ça fait marcher les labos...
- Deuxième explication : il existerait des causes spécifiques à la France.
Oui, l’augmentation des trois cancers les plus répandus serait très liée au tabac et à l’alcool. Pour le tabac, les chercheurs notent que les femmes, en plus du cancer du sein, sont désormais candidates au cancer du poumon, bientôt à parts égales avec les hommes. Or, Les Françaises sont les championnes européennes de la cigarette !
Quant aux boissons alcoolisées, les chercheurs remarquent en particulier des pics de cancers de l’œsophage (dix fois plus) dans des régions où l’on consommait de l’alcool associé à une boisson chaude comme le « café-calva » en Normandie. La chaleur abrase les muqueuses de l’œsophage et fragilise ses membranes.
- Troisième explication : les facteurs liés à l’environnement.
Le rôle de l’environnement dans l’apparition de cancers spécifiques n’est plus à prouver et l’Inserm le confirme dans cette étude. La France, qui compte un très grand nombre d’agriculteurs et qui est aussi au troisième rang pour l’utilisation des pesticides en Europe, est probablement plus touchée que ses voisins par des cancers comme les leucémies, les lymphomes malins et certains cancers cérébraux du fait de l’emploi courant de quantités faramineuses de pesticides dans les régions agricoles. Les liens entre les pesticides et la maladie sont tellement suspects que la Mutuelle sociale agricole lance, pour la première fois en France, une enquête épidémiologique de grande ampleur sur le sujet !
En résumé, rien de très neuf, sinon que les chiffres continuent de grimper. Les pratiques de santé françaises sont toutefois clairement mises en cause par cette étude. À quand une vraie politique de prévention et non de laboratoire ?
P. R.
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