Un jour sans faim

Le 20 mars dernier était une journée pour le moins chargée. On fêtait tout d’abord le printemps. Ensuite, la journée du bonheur. Oui, il existe bien une journée réservée par l’Organisation des Nations unies au bonheur. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, cette première édition est célébrée le même jour que la journée internationale de la Francophonie.

 
Mais le 20 mars, c’est aussi la journée sans viande. Là, je bats ma coulpe. D’abord parce que j’avoue ne jamais avoir entendu parler de cette journée, dont la première édition vit le jour en… 1985. Ensuite parce qu’autant j’ai fêté le printemps à la terrasse d’un café du sud parisien, autant j’ai respecté la journée du bonheur en ne trucidant pas mon voisin, autant j’ai fêté la journée mondiale du français en ne massacrant ni la syntaxe ni la concordance des temps, autant j’ai honoré la 29e édition de la journée sans viande… autour d’un coeur de rumsteck saignant sauce au poivre. À ma décharge, quelle discrétion !
 
Avouez que cette journée n’est pas des plus médiatisées. Il y a bien urgence, pourtant, à réfléchir à notre consommation de viande. Disons même notre consommation d’animaux. Devant ce pavé de rumsteck, je ne voyais pas qu’en France, chaque jour, plus de trois millions d’animaux, soit plus d’un milliard par an, sont abattus pour la consommation humaine. Pressé par le temps, je l’ai englouti sans même me douter que, pour 1 kilo de boeuf, il faut de 7 à 10 kilos de céréales et… 15 500 litres d’eau. Alors que j’avalais la dernière bouchée, j’étais loin de me dire que la production de viande compte pour environ 18 % du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre, tous cycles confondus, ce chiffre incluant l’atteinte aux forêts, la production et le transport d’engrais, la consommation des carburants et les émissions de gaz méthane par les animaux.
 
En revanche, j’ai repensé à ce Marseillais qui a écopé d’un an ferme pour avoir maltraité un chaton. La peine est lourde alors qu’au regard du Code civil, il y a peu de différence entre le lancer de chat et le lancer de chaise, l’animal étant considéré comme un meuble. Concours de circonstances, quelques mois avant, en octobre 2013, une proposition de loi a été enregistrée au Sénat reconnaissant à l’animal le caractère d’être vivant et sensible, pour que soit remplacé dans le Code civil le mot « objets » par le mot « animaux ». Et si ce projet de loi s’appliquait aux animaux domestiques, ces chevaux, ces vaches, ces boeufs qui ont participé à l’essor de l’espèce humaine en l’aidant à développer ses déplacements, son prestige, son agriculture, peut-être repenserions-nous notre rapport à sa chair. À commencer par mieux l’élever, mieux le transporter, mieux le sacrifier, quitte à ce que soit répercuté sur le prix de sa chair le coût d’un tel respect, et, puisque cette chair aurait un coût substantiel, peut-être aurions-nous un peu plus notion de la valeur qu’elle représente. Nous en consommerions moins, certes, mais mieux, et notre santé ne s’en porterait pas plus mal, notre éthique non plus… Chiche ?

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