Il y a quarante ans, la ménagère française découvrait avec euphorie les joies de la consommation de masse. Le jour des courses était un moment de fête où l’on allait d’émerveillement en émerveillement grâce au couscous en boîte Garbit, au jus d’orange en sachet Tang et au baril de lessive Omo… avec son petit cadeau ! Le monde semblait avancer, glorieux, vers un progrès sans fin… Depuis, on le sait, le rêve a tourné au cauchemar, et nous en sommes venus à nous méfier des produits les plus courants (eau, lait, pain, œufs…) et à fuir les marques dans lesquelles nous avions, naïvement, placé notre confiance.
Pour maintenir le consommateur en appétit, malgré le désenchantement qui grandissait, on a exploré bien des pistes : le surgelé, le «micro-ondable», le « à l’ancienne »… mais aucune n’a permis l’avènement d’un nouvel âge d’or de la consommation… Jusqu’à aujourd’hui, un tout récent sondage mené par le CSA pour l’Agence Bio nous apprend en effet que nous avons retrouvé le plaisir de consommer. Grâce à qui ? Grâce au bio ! Deux Français sur trois privilégient désormais les produits respectueux de l’environnement ou des principes de développement durable.
Et ils disent vouloir augmenter encore leur consommation de ce type de produits dans les années à venir. Nous nous ruons désormais sur le jus de canneberge, le blé complet et les noix de lavage, et notre confiance perdue se reporte sur de nouvelles marques, vierges de tout soupçon.
Ce qui n’était qu’une mode il y a encore un an ou deux est donc, aujourd’hui, un phénomène de masse et on ne peut plus douter qu’il y a là – enfin – le signe d’un éveil général des consciences. J’entends déjà les cyniques dire que nous ne sommes que des marionnettes et qu’il suffit de quelques mots bien choisis pour nous faire plonger à nouveau dans l’illusion. Nous serions bien crédules, disent-ils, d’imaginer que les hypermarchés, les pharmacies, les parfumeries, les magasins de bricolage et même les banques ont été brusquement touchés par la grâce… Tous sont « sur le coup » parce qu’ils savent que c’est en milliards d’euros que l’on mesurera bientôt la consommation de produits bio, durables, équitables…
On ne peut leur en vouloir de penser cela car tout semble indiquer, en effet, qu’ils ont raison. Mais il y a dans les mots plus de pouvoir qu’on ne le croit et c’est en commençant par avoir conscience du sens des mots que l’on finit par avoir conscience de soi.
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